HtmlToText
menu principal aller au contenu principal aller au contenu secondaire actualités analyses de films koji wakamatsu : cinéma, sexe et politique a gun for jennifer amer et le giallo la maman et la putain l’esthétique libertaire dans les films d’armand gatti (colloque art et utopie) l’esthétique libertaire dans les films d’armand gatti, une oeuvre singulière dans l’histoire du cinéma anarchiste cinéma et genres, l’émergence d’un point de vue féminin sur le désir wang bing « damnation » béla tarr exhibition lost highway la légende du grand judo films ceux qui peuvent mourir nassara teasers « moi, sidonie, poum… » catacomb ov ghouls trois aventures inédites de tapi résurgences une scène nouvelles/poèmes la mémoire défaillante mon nom qu’elle n’a pas dit le marina’s club une scène salope contre le temps vingt étapes d’une chronologie programmée une brève histoire papa et la sorcière alex epouvantail musique mr paul vatanen 3 temps pour une valse contact navigation des articles ← articles plus anciens la mémoire défaillante posted on 4 juin 2018 par admin la mort était un grand vide et le souvenir insupportable. il était impossible de se souvenir. alors il venait hanter mes nuits. je tentais d’effacer jusqu’au souvenir de la douceur de sa voix, de son sourire. je vivais sans lui. je l’oubliais. après une journée entière vécue sans penser à lui, le souvenir non pas de lui mais de son absence m’étouffait. je m’efforçais de me le représenter tel que je l’avais aimé, je convoquais des images, le son de sa voix, mais cet effort pour repousser la mort se transformait en son inverse : il n’était jamais aussi mort que lorsque je tentai de m’en souvenir. me venaient alors à l’esprit ce que je n’avais pas dit, pas fait, ce qui aurait dû avoir lieu, ce qui aurait dû être dit. on dit que la mémoire chasse la mort. on dit que les morts ne sont pas morts tant qu’on se souvient d’eux. a quand le souvenir heureux qui te fera revivre ? publié dans nouvelles/poèmes mon nom qu’elle n’a pas dit posted on 16 janvier 2018 par admin j’avais glané quelques informations. mon père disait que sa mère l’élevait seule, qu’elles venaient de bordeaux. je ne sais pas si son père était mort. je crois qu’elles n’avaient pas beaucoup d’argent. depuis quelques mois, elle habitait au bout de ma rue. c’était une vieille rue pavée, une petite rue étroite de maisons à colombages. sa maison et la mienne étaient parmi les plus belles. nous habitions si près, et pourtant au-dehors nous nous croisions rarement. je n’étais jamais allée chez elle. on aurait dit qu’elle n’existait pour moi que dans l’enceinte de l’école : hors les murs, je n’avais pas le droit de la voir. ce mystère qui entourait sa vie extérieure la rendait à mes yeux encore plus fascinante, sa présence invisible au bout de la rue annonçait, confirmait son caractère insaisissable, quelques mètres que je franchissais pour aller en ville et qui me menaient devant une porte close, que je regardais du coin de l’œil, en passant. elle était arrivée dans ma classe en cours d’année. je me souviens de ma première impression. ses cheveux châtains et ses yeux marrons adoucissaient son visage et pourtant, il y avait quelque chose de dur qui en émanait, peut-être par la façon qu’elle avait de regarder les gens bien en face, fixement. j’avais été frappée par cet air sûr de soi, moi qui ne cessais de rougir et de baisser les yeux. elle avait huit ans, un an de plus que nous et on voyait qu’elle en savait beaucoup plus. élisabeth était indépendante. au bout d’un mois elle était devenue le centre d’un petit groupe de filles de la classe, mais elle semblait n’avoir besoin de personne en particulier. il lui suffisait d’être elle-même. elle était comme une femme d’âge mur qui en a tellement vu que plus rien ne l’étonne, et qu’il en faut beaucoup pour l’émouvoir. il était rare qu’une émotion incontrôlée vienne troubler son visage et lorsque cela arrivait, si par exemple la déception de n’avoir pas réussi un devoir aussi bien qu’elle l’avait cru venait tout à coup crisper ses lèvres, plisser son front, cela ne durait qu’un instant, très vite il n’en restait plus trace sur ses traits redevenus lisses. et puis elle a commencé à nous apprendre des choses. dans les toilettes de l’école elle nous avait montré des gestes puis c’était devenu une habitude : nous nous y retrouvions en petit groupe, elle était la maîtresse, nous étions pendues à ses lèvres et à ses mains. il me semble qu’au bout d’un moment, plusieurs élèves s’étaient désintéressées du cours et le groupe s’était restreint, il n’en restait que les plus motivées. je me souviens du charisme d’élisabeth lorsqu’elle nous faisait face, se tenant droite, l’œil sévère, la voix ferme, une petite fille jouant à la maîtresse, et qui avait sur nous plus d’ascendant que notre institutrice, madame dagué, laquelle n’arrivait pas à la cheville d’élisabeth. « venez par ici ! c’est l’heure de la leçon ! » nous lançait-elle, et nous obtempérions. lorsqu’un jour j’ai mimé ces leçons à ma mère, elle a cru d’abord que c’était une danse, puis elle s’est mise dans une colère noire et elle a appelé mon père. « regarde ce que fait ta fille à l’école ! » a t-elle hurlé. je n’ai pas su pourquoi, mais j’ai compris que c’était quelque chose de mal. a partir de ce jour-là, mes parents la prirent en grippe et ne voulurent plus que je la fréquente. ils disaient que son influence était mauvaise. le sentiment de la faute insidieusement s’est infiltré en moi, et mon amour pour élisabeth s’est teinté de culpabilité. je me croyais corrompue à son contact, et pourtant je ne pouvais me détacher d’elle : sans qu’il s’y mêle aucune rébellion vis-à-vis de mes parents (j’étais peut-être trop jeune pour cela), elle exerçait sur moi un attrait auquel je ne pouvais résister. souvent nous marchions ensemble pendant la récréation, elle et moi à l’écart des autres et je me sentais grandie, augmentée de ce privilège. les leçons étaient collectives, mais j’avais cette chance d’être la favorite. j’étais peut-être l’élève la plus attentive, celle qui laissait augurer des plus grandes aptitudes, du meilleur potentiel. mais peut-être étais-je surtout la plus soumise, la plus obéissante et peut-être est-ce cela surtout qu’élisabeth récompensait. parfois, tout à coup elle s’arrêtait et m’ordonnait : « allonge-toi par terre ! ». je me prêtais à ce jeu volontiers car j’aimais obéir à ses ordres et je m’allongeais aussitôt, heureuse de la satisfaire et tremblant de connaître la suite. je me souviens que le directeur qui était vieux et sévère un jour nous a remarquées, son sifflet a retenti dans un bruit strident à nos oreilles, il a fait un signe qui m’ordonnait de me relever et j’ai obéi là encore mais sans joie. je me rappelle l’air mécontent d’elizabeth qui n’avait pas l’habitude d’être contrariée. elle ne laissa pas son dépit transparaître longtemps, mais j’avais eu le temps de le voir. a partir de ce moment-là le directeur nous surveillait (je pense que ma mère le lui avait demandé), et il n’a plus été possible de nous adonner à ces petits jeux dans la cour sinon quelquefois en cachette, à la va-vite, dans l’urgence et la peur de se faire surprendre. alors le goût de la transgression a commencé de se mêler au désir. je vivais sans le nommer un amour clandestin auquel on ne m’avait pas préparée, puisque c’est d’un petit garçon que j’étais censée tomber amoureuse, et dont la dimension charnelle semblait néfaste aux yeux des adultes. je n’avais pas eu d’éducation religieuse aussi le mot « péché » m’était inconnu, mais c’est bien cette idée-là, détachée de toute religiosité, qui s’associait pour moi à la découverte de la sexualité. mon désir grandissait dans la frustration et élisabeth, que je voyais moins souvent (l’année suivante, on l’avait changée de classe), me devenait plus indispensable. elle semblait la dépositaire d’un secret mystérieux, celui du plaisir, auquel je ne saurai donner un nom que bien plus tard et dont, je le pressentais, je n’avais qu’